Ballade à la Lune
C’était, dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La Lune, la Lune,
Comme un point sur un « i ».
Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d’un fil,
Dans l’ombre, dans l’ombre,
Ta face et ton profil ?
N’es-tu rien qu’une boule,
Qu’un grand faucheux bien gras
Qui roule, qui roule,
Sans pattes et sans bras ?
Est-ce un ver qui te ronge
Quand ton disque noirci
S’allonge, s’allonge,
En croissant rétréci ?
Car tu vins, pâle et morne
Coller sur mes carreaux
Ta corne, ta corne,
À travers les barreaux.
T’aimera le vieux pâtre,
Seul, tandis qu’à ton front
D’albâtre, d’albâtre,
Ses dogues aboieront.
T’aimeras le vieux pilote
Dans son grand bâtiment,
Qui flotte, qui flotte,
Sous le clair firmament !
Comme un ours à la chaîne,
Toujours sous tes yeux bleus
Se traîne, se traîne,
L’océan montueux.
Et qu’il vente ou qu’il neige
Moi-même, chaque soir,
Que fais-je, que fais-je,
Venant ici m’asseoir ?
Je viens voir à la brune,
Sur le clocher jauni,
La Lune, La Lune,
Comme un point sur un « i ».